Narcisse ou le sang des fleurs

A la Renaissance et à l'âge baroque, les héros de la métamorphose végétale, dont Ovide contait les étonnantes aventures, charme les poètes maniéristes, Ronsard, Desportes, Théophile, Tristan. Faire naître de son sang une fleur porte-nom : est-il motif plus séduisant pour un poète soucieux d'inscrire ses vers au temple de Mémoire ?

Le désir de devenir " fleur languissante et penchée " arrosée des larmes d'un amant, déclare aussi le fantasme de ces maniéristes qui, rêvant d'avoir " les deux sexes ensemble ", envient la fécondité féminine. Lorsque le poète veut ardemment, comme Ronsard, " enfanter au bord du Loir une fleur " qui de son nom et de son mal soit peinte, Narcisse, Hyacinthe, Ajax, Adonis vienent hanter de leur délicate présence le songe mélancolique, apportant la promesse d'une autre vie " en lêtre d'une fleur ".

La mythologie ne cesse alors d'être ce que P. Valéry appelle cette " fable pure ", l'aliment d'un rêve, le langage du désir. Dis-moi quelle mythique te hante, je te dirai qui tu es, quel est ton désir...